Quand un lion créa Morgat

Au début des années 1880, Louis Richard, commercial en montres et casquettes et prospecteur – investisseur immobilier à ses heures perdues, séjourne face à l’anse de Morgat (à l’hôtel Hervé). Il évoque tout de suite le charme des lieux à son épouse, liée à la famille Peugeot. Dès son retour dans le Doubs, Louis Richard s’empresse d’informer Armand Peugeot du potentiel des lieux et de ce qu’il a découvert : des terrains vierges de toutes constructions, un petit port d’échouage, une colline qui domine une magnifique baie. La visite des lieux par l’industriel validera le potentiel décelé.

En janvier 1884, les statuts de la société immobilière sont déposés. Le notaire et adjoint au maire de Crozon Maître Émile Pelliet est missionné. L’acquisition des terrains du bord de mer entre Morgat et le Portzic se réalise. Le notaire ne sera pas désintéressé par l’activité balnéaire émergeante et trouve à spéculer sur les terres.

Descendant d’une célèbre famille d’industriels francs-comtois, Armand Peugeot engagera l’entreprise familiale sur la voie de la construction de bicyclettes, de vélocipèdes, de tricycle à vapeur avant de se tourner avec succès vers l’automobile. Morgat lui donnera l’idée d’y motoriser des bateaux de pêche.

C’est sous la forme d’un lotissement que les parcelles du petit village de pêcheurs sont vendues, à un prix défiant toute concurrence : 60 francs l’are (= 100 m2) pour les prairies, 30 pour les landes. Une légende affirme que certains vendeurs en attendaient 205 ou 406…

Avec le soutien de l’architecte Abel Chabal, Armand érige cette ville balnéaire nouvelle. La fructueuse collaboration entre les deux hommes fait naître de nombreuses villas de villégiature mais aussi deux hôtels : l’Hôtel de Morgat sorti de terre en 1884 (aujourd’hui, l’hôtel-restaurant La Plage) et, surtout, le Grand Hôtel de la Mer inauguré en 1908 (on y reviendra). Autre curiosité, la villa Ker Ar Bruck, une construction en tôle de fer recouverte d’une couche de zinc, classée à l’inventaire des Monuments historiques.

Si les affaires industrielles passées de M. Peugeot furent encourageantes, l’investissement immobilier vire tout doucement au flop financier. La bourgeoisie renâcle, Morgat s’avère trop isolée. La société immobilière évolue et devient la Société anonyme de la plage de Morgat en 1913, poursuivant l’œuvre d’Armand Peugeot, retiré des affaires en 1915.

Aujourd’hui, le Grand Hôtel de la Mer a gardé son style Belle Époque. L’établissement est composé de 78 chambres et géré par le groupe Belambra. Ce dernier a sorti cet actif. Une opération de sale-and-leaseback se serait opérée en 2022. La société d’investissement Atream (via la SCPI Tourisme et littoral) a acquis ce magnifique établissement au prix de 4M€ HD en contrepartie de la signature d’un nouveau bail de 12 ans par le preneur, le groupe Belambra Clubs. Espérons que cette transaction pourra nous permettre de remarquer un embellissement du site et une montée en gamme basée sur le charme de l’ancien et la richesse de l’histoire de ces lieux.

Au cours des dernières années, Crozon et sa presqu’île ont bénéficié d’une dynamique touristique soutenue par une demande croissante : accroissement du nombre de résidences secondaires, construction de résidences de tourisme, investissements dans les campings, développement de l’offre en gîtes d’étape…

En 2024, ECE – Immobilier d’Entreprise réalise sa première transaction et implante une grande enseigne nationale sur près de 1 350 m2 permettant la relance de l’ensemble commercial de la ZAC du Bourg. Ce deal contribue à la création de près 10 emplois temps plein.